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Comment mener le chantier interculturel dans le cadre d’une fusion internationale ?

Comment mener le chantier interculturel dans le cadre d’une fusion internationale ?

Rappelez-vous : en janvier 2021 (en pleine pandémie de Covid), le géant du rail français Alstom fusionnait avec les activités mobilité du canadien Bombardier. Deux ans plus tard, la fusion Alstom-Bombardier est sur de bons rails. Comment les aspects « humains » de la fusion ont-ils été gérés ? Plus particulièrement, comment la dimension interculturelle a-t-elle été prise en compte ?

Rencontre avec Jérôme de Grandmaison, VP Talent Management du groupe qui a piloté avec passion le chantier « Culture » de la fusion.

Interview par Alix Carnot, Directrice Associée d’Expat Communication

Jérôme de Grandmaison, Alstom

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AC: Comment aborde-t-on un dossier de cette envergure ?

JDG :  La première étape consiste à savoir ce que l’on est et ce que l’on veut être. On parle alors de construire un thumbprint culturel. Le premier travail a donc été de définir la culture d’Alstom et celle de Bombardier.

Nous avons constaté de grandes différences :

  • Pour Alstom : “all roads lead to Paris”. “Fire fighter”. En résumé : passionnés par le produit, avec un impératif de consensus.
  • Bombardier : plus international et multiple, au point de parler de « United Nations of Bombardier », avec davantage d’individualité.

A partir de cette recherche, le Comex a réfléchi à intégrer toutes ces différences et complémentarités dans le cadre des valeurs préexistantes : Agiles, Inclusifs et Responsables

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AC: Et comment passer de ces trois mots à une culture commune ?

JDG : Nous avons fait travailler 2000 personnes dans le groupe pour préciser la déclinaison locale et concrète de ces valeurs. Elles se basaient sur une roadmap qui intégrait notamment une dimension information et des workshops.

Mais l’intégration culturelle passe aussi par les fonctions transverses (EHS, Amélioration continue, convergence des outils et des méthodes). Il a donc fallu élaborer de grands process de convergence qui pourraient s’appliquer partout.

Il a fallu aller au plus loin dans l’intégration de ces valeurs. Nous avons par exemple réalisé que le vocabulaire n’était pas le même d’une entreprise à l’autre. Par exemple le mot « project management » ne recouvrait pas le même modèle chez Alstom et chez Bombardier. Les titres de fonction, même quelque chose d’aussi simple en apparence que « directeur d’usine », ne correspondaient pas aux mêmes périmètres.

Il a donc fallu élaborer un glossaire, avec, comme vous pouvez l’imaginer, de très nombreux acronymes.

A chaque étape, nous mesurions les progrès et on les discutait avec le Comité de Direction.

AC: Justement, quelle a été concrètement l’implication du Comité de Direction ?

JDG : C’est un challenge en soi, qui a pris du temps. Nous avons commencé par créer un « culture Club » au sein même du Comex qui a travaillé sur sa propre transformation, son propre programme culturel.

C’est un va-et-vient permanent. Car certes, il faut aller top down, entrer dans le détail, mais la culture doit aussi venir du terrain. Il faut donc aussi remonter (en bottom up). Nous avons eu énormément de remontées, et sur cette base, le Comex a pu faire des choix, et les gens ont vu qu’ils étaient pris en compte.

Création d'un Culture Club au sein du Comex d'Alstom

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AC: Le process s’est-il déroulé comme vous l’aviez prévu ?

JDG : Au bout de 2 ans, on sent que c’est en train de prendre. Il n’y a pas eu de dilution des valeurs que nous avions fait émerger. Et le résultat apparaît dans l’enquête annuelle d’engagement des employés où l’item Culture et Intégration à fortement bondi par rapport à 2021.

Je dirais que c’est comme une platine avec plein de micro-réglages, un maelström où le diable se niche dans les détails. C’est très dur car il faut faire son travail et en plus intégrer de nouvelles valeurs, de nouveaux process. Ce sont des périodes où la charge de travail est importante, pendant lesquelles on ne se comprend pas toujours, où cela va très vite. On fait émerger tout ce qui ne va pas. Il y a moins d’habitudes, les aspérités remontent.

Et en même temps, c’est une opportunité : une période de fusion, de grand chambardement, et une page blanche pour réécrire la culture.

Mener un chantier interculturel requiert des ajustements

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AC: Comment avez-vous travaillé sur la culture manageriale ?

JDG : C’était un point primordial. Le management est en effet très lié à la culture, qui est par exemple très égalitaire au Canada, plus hiérarchique en Inde.

Nous avons d’abord défini ce que nous attendons d’un leader. Puis nous avons lancé un pilote : des capsules qui sont comme des clubs de managers. Nous en avons mis en place en Inde, en Australie et au Canada. Ce sont des lieux de co-construction entre managers et avec un RH. Ils y travaillent par exemple sur l’utilisation des entretiens de performance pour l’animation des équipes, sur le management des millenials…. Ces capsules fonctionnent très bien et vont être à présent déployées partout.

 

AC: Va-t-on parler de United Nations of Alstom ?

JDG : Sûrement pas. Le multiculturel ne fonctionne pas. Nous ne sommes pas là non plus pour changer les gens sur un schéma communautariste, une seule tête, une seule voix. Il faut que les collaborateurs aient un sens d’appartenance à Alstom en tant que professionnel. Mais pas qu’ils en rêvent la nuit.

Je reprendrais plutôt les mots du PDG, Henri Poupart-Lafarge, « il y a plein de mini Alstom. »

Ma conviction est qu’il y a une culture d’entreprise qui fédère des gens différents et des cultures nationales qui l’enrichissent avec des interprétations locales et des valeurs communes. Et quand celles-ci se déclinent localement, c’est qu’on est sur la bonne voie.

Prenons par exemple la notion d’agilité :

  • En France, elle décrit la capacité à comprendre le monde, à voir les grandes tendances, à s’y adapter.
  • En Inde, elle renvoie plutôt à la capacité à pivoter, à retomber sur leurs pieds, au pragmatisme.
mener chantier interculturel implique le management et un vocabulaire commun

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AC: Où en êtes-vous aujourd’hui ?

JDG : Dans les enquêtes d’opinion annuelle, nous avons intégré plusieurs questions autour de la culture pour mesurer si les gens sentent que quelque chose s’est passé. Au bout de deux ans, le changement est en bonne voie.

Globalement, c’est la culture Alstom qui a prévalu mais l’influence de Bombardier a été de nous faire passer d’une culture très française à une culture beaucoup plus internationale. Cela se voit dans les nominations, dans l’accent mis sur la mobilité internationale, dans les dynamiques du Comex où l’anglais s’est imposé comme langue de travail.

On a encore du travail. Mais vous savez, il y a encore des gens qui parlent du temps de Cegelec alors que la fusion avec Cegelec remonte à plus de 20 ans. Pour cette fusion, nous voudrions avoir réussi en 2026.

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AC: Quel sera pour vous le critère de succès de la fusion sur le plan culturel ?

JDG : Que les valeurs soient comprises et que les différences locales soient bien prises en compte et en intégrant les nouvelles façons de manager.

Dans 6 ans, j’aimerais que plus personne ne dise « je suis « legacy BT » », mais « je suis Alstom ». Il faudra que tous les systèmes fonctionnent, que les process aient convergé, qu’on parle le même vocabulaire et que dans l’enquête annuelle d’engagement nous soyons au-delà de 85% de taux de satisfaction

"Une fusion réussie, c’est qu’on reste qui on est mais on se comprend."

En résumé, quand on sait parler de nos valeurs, quand on est alignés, même si au quotidien, on les vit différemment !

Expat Communication

Expert de l’interculturel et de l’accompagnement 

des talents internationaux depuis 2001.

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